Billets qui ont 'Daudet, Alphonse' comme nom propre.

Enquête

Les questions sont ici.

1/ Je suppose que oui, sans vraiment le savoir, puisque j'ai un téléphone portabe: plan de Paris, kilométrage à l'aviron, cela doit se faire à partir d'un GPS. Mais pour les "vrais" trajets en voiture, je préfère les cartes. Elles donnent une vue générale, elles donnent des envies, des idées, des possiblités de détours, d'échappées.

2/ Enormément. Où, quand, arrêtez-vous l'enfance? Je vais citer celui que je connais quasiment par cœur, et dont beaucoup de bribes me remontent en diverses occasions quotidiennes: Les lettres de mon moulin de Daudet.

3/ En Grèce, toujours (je dis "toujours", car j'ai l'impression de répondre souvent "en Grèce", ou "la Grèce"). Donc en juillet (à moins de compter l'aviron sur la Seine comme "bain de soleil": dans ce cas en octobre ou novembre à La Défense!)

4/ Tout le temps. Peut-être un peu moins qu'avant, j'essaie d'obéir à mes alertes intérieures. Mais il y a "je ne devrais pas" et "je ne devrais pas": il y a ceux qui correspondent à des entêtements et de l'obstination et qui sont de la bêtise (et on ne devrait pas!), et il y a ceux qui correspondent à des ruptures des conventions, qui sont plutôt "ça ne se fait pas": et là, il faut le faire!

5/ Oui, en particulier quand j'ai mal à la gorge.

6/ Oui. D'une part ils permettent d'obtenir un résultat tangible et durable, quelque chose "qui se voit" et "qui reste" (contrairement à la cuisine), d'autre part ils sont une façon d'user le temps, le chagrin et d'acquérir une sorte de sagesse. Par exemple, lorsque nous (Hervé ou moi) sommes en train de faire un travail intellectuel et que nous y découvrons une imperfection sans avoir le courage de tout reprendre pour que ce soit parfait, je rappelle cette leçon du tricot: quand le pull est fini, celui qui l'a tricoté ne voit plus que le défaut, et il est condamné à ne voir que le défaut aussi longtemps que le pull sera porté. Cela vaut la peine de détricoter et retricoter pour la paix de son esprit.

7/ Oui. Comment faire autrement quand on a des animaux? «Trois chiens pour un cheval, trois chevaux pour un homme.» (Je pense que ce n'est plus valable.)
Il y a une mort de cheval particulièrement atroce que je n'ai jamais racontée (un cheval de club, je n'ai jamais eu de cheval en propre).

8/ Non, je ne m'y sens pas bien. Souvent trop de vent, trop froid, mal assise, trop de bruit. J'aime les cafés, les bibliothèques.

9/ Enfant, chez la marraine de ma mère. Plus tard, jeune mère, en "sortant" les enfants au parc l'après-midi. Je ne peux pas croiser des parents poussant des poussettes dans les parcs dans frissonner d'horreur au souvenir de cet ennui mortel. Et tout ça pourquoi? Parce qu'on (mais qui, "on"?) nous avait convaincu qu'il fallait sortir les enfants. Alors qu'en réalité, ils s'en moquent, ils grandiront de toute façon.

10/ Je ne sais pas. J'essaie de faire simple. Dans ce domaine, ma vie professionnelle m'a aidée. J'ai eu des chefs remarquables de ce point de vue.

Neuf kilomètres de Velib

J'ai pris le Vélib à Neuilly pour rejoindre le relieur dans le 18e. J'ai suivi les boulevards depuis la porte Maillot jusqu'à la rue de la Jonquière, observant le changement rapide de la population — du peuplement — des bords des boulevards (pensée pour un Langelot en passant devant les entrepôts des décors de l'Opéra: il me semble bien que dans un cas un camion s'y cache.)

J'ai récupéré les Fables de La Fontaine que j'ai fait relier en maroquin noir pour en faire le frère des Lettres de mon moulin achetées il y a un an à Mulhouse.
Si je vais à l'hôpital, pensez à me laisser ces deux livres.

Par ailleurs, je suis dépitée d'avoir oublié Le Maître et Marguerite au bureau. Je voulais le faire relier. Il faudra que je revienne spécialement, et ce n'est pas si facile car c'est hors de mes parcours habituels.

Vendredi 15

Aménagé (de façon non préméditée, parce que H. veut «que je fasse lire O.», comme si c'était quelque chose qui se décrète), une étagère de livres à lire selon cette liste, c'est-à-dire que j'ai passé une heures à réunir les livres que nous possédons déjà sans avoir besoin de rien acheter (évidemment, ce sont les moins "drôles", les plus classiques, ceux qui se trouvent assez naturellement dans n'importe quelle bibliothèque si l'on excepte Les aigles décapités provenant d'une lecture scolaire d'un aîné ou Les bébés de farine, rescapé des années où j'achetais des livres pour enfants (très bon livre). (La grâce au désert fait partie de la liste, chic!)).

Mon but est moins «de faire lire» que de démontrer qu'un effort minime et régulier permet d'abattre beaucoup de travail: un livre par semaine, cinquante-deux livres en un an, sans s'en apercevoir (bon évidemment, je triche, tous ne se lisent pas avec le même effort).

J'ai pu constater que j'ai perdu toute crédibilité aux yeux de ma fille depuis que je lui ai avoué que je n'ai pas lu plus de la moitié de la bibliothèque:
— Tu as trouvé tous ces livres aussi vite?
— Euh oui. Je ne comprends pas où elle veut en venir. Ce n'était pas très difficile.
— Ah bon. Je ne pensais pas que tu savais ce que tu avais puisque tu ne les lis pas. Je la contemple, décontenancée. Il faudrait que je lui explique que non seulement je sais quels livres j'ai dans ma bibliothèque (Quoique... en ces temps de classement et chambardement, j'ai mis la main sur un Pages choisies de Descartes annotées par Paul Valéry dont je ne me souviens absolument pas), mais qu'en plus je me souviens du lieu de leur achat (ou du don ou du cadeau) et de son motif (parfois très irrationnel, là n'est pas la question)). (Oui, ce tome de Fanny vient de chez ma grand-mère, et ce papier rose est celui qui servait à envelopper les fromages qu'elle fabriquait.)

Un peu surprise qu'on conseille La vie devant soi à des enfants de treize ans. Un certain nombre de nuances va leur échapper, euphémisme («Madame Rosa se défendait à Alger»: O. ne va pas comprendre, et ne va même pas s'apercevoir qu'il ne comprend pas). Et les fautes de français aussi, les barbarismes d'un petit Arabe... Je me souviens de mon émerveillement à constater la gradation dans la langue, qui devient de plus en plus maîtrisée au fur à mesure que l'enfant grandit.

Mis quelques livres en carton (des tables de trigonométrie, des livres de mathématiques appartenant à mon oncle ou même à mon grand oncle (un Lavisse s'arrêtant après la guerre de 1870, promettant la paix sans oublier ces centaines de milliers de Français en exil de leur patrie...)), prévu d'en donner d'autres, dégagé de la place. Conservé une France et une Europe physiques à portée de main dans les étagères, avec l'espoir toujours déçu de lire ces livres de géographie (durant les voyages en voiture, peut-être?)
Le drame de classer les livres, c'est qu'on les feuillette et donc on les lit (ces Contes du lundi... cette page sur le chauvinisme des Bavarois... ça a l'air très intéressant...)
Retrouvé mon gros Rilke (tout la prose en un volume aux éditions du Seuil) que je me désespérais d'avoir perdu, pensant même l'avoir vendu dans un accès de fanatisme (genre «désormais je lis en allemand»), sagement à sa place: mais comment ai-je pu ne pas le voir?

Vers le soir, karchérisé la clôture, côté jardin, côté rue (demain peinture!) Les herbes folles ont envahi la place occupée par la haie de thuyas coupée à l'automne. J'ai désherbé une bande d'un mètre sur douze, débrousaillé plutôt, à la bêche ou à la pioche. Avantage de l'aviron : pas d'ampoule.

Relu en passant, je ne sais plus quand, Les lettres de mon petit frère de Christophe Donner, achetées par moi, pour moi, il y a bien longtemps. Surprise par la dédicace, A Hervé Guibert. Décidément, il existe bel et bien un sixième sens, un cercle magique.

Ah oui: et trouvé une réponse pour les enfants qui me demandent «Mais à quoi ça sert, de lire?»
Ça sert à appartenir à une société secrète dont les membres se reconnaissent entre eux et dont le lien de fraternité est invisible aux autres, à ceux qui n'y appartiennent pas .
C'est un vrai club secret (et ça, c'est une idée qui va plaire à O., surtout quand C., après une seconde, reconnaît: «C'est pas faux», et que A. sourit.)

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